Horia Damian (né en 1922)
Peintre et sculpteur roumain, né en 1922 à Bucarest, Horia Damian s’inscrit à l'École d'Architecture de Bucarest en 1941, la même année il fait ses débuts à l'Oficial de Pictura Salonul aux Dalles Sala à Bucarest, où il obtient un franc succès. Première exposition (spectacle) individuelle au Romain Ateneul à Bucarest en 1942. En 1946, il reçut le prix Anastase Simu et obtint une bourse d’études à Paris et quitta définitivement la Roumanie A Paris, il suit seulement pendant quelques mois la formation d’André Lhote, puis il travaille avec Léger en 1949-50 (pour lequel il réalisa 17 vitraux destinés à l’Eglise d’Audincourt ) et ensuite étudie avec Auguste Herbin. Il a peint des constructions antiques, des Mastabas ou la Ville d’Alexandre, des constructions stellaires qui évoquent le mystère du cosmos… autant de descriptions précises d’un monde passé vu sur le mode de l’onirique, que l’on a pu comparer aux visions de Piranèse. Il a détruit la plupart des travaux produits pendant la première moitié des années 1950, une période expérimentale pour lui.
Ses travaux du début des années 1960, exécutés à base de pétrole sur du polyester, sont dans une gestuelle proche du Tachisme, comme par exemple : Constellation 1961 ; Cosmogonie 1962 marquent sa filiation avec les artistes de la Galerie Stadler où il expose régulièrement, galerie qui est le bastion des artistes tachistes réunis autour de Michel Tapié (François Arnal, Kazuo Shiraga, Camille Bryen, …). Par a suite son œuvre devient de plus en plus géométrique, sculptural et monumental, comme le démontrent les séries Trône (1967). Le premier de ses monuments à grande échelle, Galaxie, projet pour un Monument à Houston, Texas, a été conçu en 1972 et construit en 1974 au Neue Galerie à Aachen. Plusieurs nouveaux monuments dans la série de Galaxie ont été construits, d'autres restant à l'état de maquettes.
En 1974, il a réalisé la maquette pour l’entrée monumentale du théâtre-musée de Salvador Dali à Figueras en Espagne et en a surveillé l’exécution. Sa fascination pour le monumental se poursuit dans La colline, construit pour le musée Guggenheim à New York en 1976, couvert de sphères minuscules de papier ensuite peintes en jaune. Il a été suivi par des monuments semblables, comme pour San Francisco, illustré par la gouache Projet pour San Francisco.
En 1985, dans le cadre de l’Action 7 Fontaines en France, il a été choisi avec 6 autres artistes pour la réalisation du programme, à sa charge revenant la construction d’une colonne de 7,5 mètres pour la ville de Saint-Denis.
Expositions personnelles
- 1956 Galerie Stadler
- 1960 Galerie Stadler, Paris
- 1960-62 Galerie Léo Castelli, New York
- 1964 Galerie Stadler, Paris
- 1972 Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
- 1974 Neue Gallery Sammlung Ludwig d’Aix la Chapelle
- 1976 Solomon Guggenheim Museum de new York
- 1980 Centre Pompidou, Paris
- 1980 Art Institute, Chicago
- 1983 Grand Palais à Paris avec Jean Pierre Raynaud
- 1985 Galerie browstone, Paris
- 1985 Musée d’art Moderne de Villeneuve d’Ascq Expositions collectives
- Biennale de Venise 1942
- Biennale de Sao Paulo 1973, il y reçut le Prix Communicaçao
- Festival d’Osaka Bibliographie
- Les artistes roumains en Occident, Ionel Jianou, Academy of Arts and Sciences, 1986
- Les années 50, Gérard Xuriguera
- Dictionnaire des peintres et sculpteurs, bénézit, Ed Gründ, 1999
- Horia Damian, monographie édition MNAM Bucarest, 2009
Musées
Stedelijk Museum d’Amsterdam, National Gallery d’Edimbourg, Museum of Modern Art de New York, Musée National d’Art Moderne, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Musée National d’art contemporain de Bucarest, ...
Articles
Depuis le choc sensationnel de l’exposition Damian dans cette même galerie en mars 1960, plus de quatre ans se sont écoulés pendant lesquelles l’artiste roumain a tiré le meilleur parti d’un langage iconographique aux puissants effets décoratifs, d’un néo-byzantinisme exalté et baroque. Peut-on parler aujourd’hui de mutations brusques, à la manière du passage précédent – en 1959 – de la stricte bi-dimensionnalité allusive à la haute-pâte et aux ors lourds ? A vrai dire il s’agit plutôt d’un approfondissement logique, d’une évolution normalisée de la démarche. L’icône informelle devient une architecture et l’image une forme, aux dimensions d’une synthèse originale. Le support-plan n’est plus qu’un pretexte dont on s’évade au point de le nier intellectuellement ; toutes libertés étant prises à son égard. Ces parois écrêtées, ces portiques aux frontons concaves, ces épaisseurs rebondies, ces superficies hérissées de créneaux évoquent les rites majestueux et solennels d’antiques religions disparues, des splendeurs religieuses oubliées ou à redécouvrir, un ailleurs culturel né d’une somme de souvenirs transcendée par une imagination active : ce que nous propose Horia Damian, ce ne sont ni des objets ni des peintures, mais des lieux de rencontre qui développent un espace, définissent une architecture, imposent un parcours et un comportement. Il n’est pas indifférent de noter que les couleurs fondamentales de Damian évoquent à quelques nuances tonales près la synthèse trinitaire d’Yves Klein contenue dans la flamme du feu : l’or, le bleu et le rose. Nul doute aussi qu’il n’y ait dans les deux démarches, au-delà des particulières divergences, la même intuition cosmique et appropriatrice, la même volonté possessive d’imprégnation de la couleur, mais le fondamentalisme purifiant d’Yves Klein (l’ascèse du bleu débouchant sur le vide) cède ici le pas à la pompeuse somptuosité des temples d’orient. Telle est en quelque sorte la chair de cette architecture où l’image, surmontant l’anecdote fétichiste, prend forme dans un espace qui est sien. Un espace hautement lyrique et dynamisé, propice à la ferveur (bien pus qu’au recueillement) à cette forme de communication spirituelle active que l’on appelle encore la prière : l’effusion dans un vrai au-delà du vrai existant à la fois en nous mêmes et dans le monde, échappant également à l’avenir et au passé, à la vie et à la mort. Horia Damian a franchi le premier pas. Loin de s’en tenir là, il ira plus loin sans doute, approfondissant sa vision architecturale et cosmique. Peut-être sera-t-il, aux yeux de nos successeurs – à la fois si proches et si lointains – de l’an 2000, le précurseur de ces temples nouveaux où aura soufflé l’esprit de la seconde renaissance, le prophète d’un art sacré à l’échelle d’un humanisme neuf. L’enjeu est vaste et l’événement valait la peine d’être salué comme tel, dans le Paris de 1964.
Pierre Restany, Galerie Stadler, 1964
Arrivé à Paris dans les années qui suivirent la guerre, Horia Damian prit contact avec deux maîtres, Léger et Herbin, et ce choix marquait déjà une remarquable assurance. Dès ce moment, sa recherche d’abstraction s’inscrit en deux voies essentielles : l’analyse de la couleur, la synthèse des formes nouvelles. La couleur s’obtient non par la décomposition de ses parcelles mais par la recherche de ses cellules ou molécules de base : Ici, de petites biles plongées dans des couleurs vives, or, bleu ciel, bleu nuit, noir éclatant ; ces minuscules sphères sur lesquelles joue la lumière se multiplient et se juxtaposent à l’infini, et se présentent comme des intensités rarement atteintes. Ce sont des concrétions étonnamment matérialisées qui donnent aux surfaces une valeur tactile, et en même temps une charge spirituelle de représentation stellaire. Les surfaces ainsi animées s’inscrivent dans une architecture d’un ordre inconnu. Ses éléments, frontons, chapiteaux, escaliers, estrades, colonnes tronquées, ayant abolies leurs fonctions traditionnelles, s’organisent en rythmes décalés d’un mouvement ascensionnel ou latéral riche et complexe. Damian utilise le polyester pour édifier une sorte de mobilier gigantesque qui évoque aussi bien des divinités absentes de la fable ou de l’histoire, que les mystères d’un monde à venir. Dans ce cadre pourraient prendre place des rites millénaires, et les grandes ambitions du Byzantisme dan s laquelle la vocation de Damian s’est affirmée ne sont pas loin, mais ce sont des symboles toujours actuels qui sont présents ; l’espace céleste, la nuit étoilée, l’idée du bonheur, d’un ordre supérieur, d’une destinée dynamique, d’une participation à l’univers. Les notions de peinture, sculpture, architecture, sont dépassés en ce sens que Damian est allé au bout de chacune des voies qui lui étaient ouvertes, et il en dresse une miraculeuse synthèse. Son art, son affirmation de présence et d’évidences, crée un espace, un lieu de rencontre où le spectateur pourra méditer en silence, élever son âme et participer à une existence autre. Etrange dessein que celui que poursuit cet artiste profondément original ! Je n’en vois guère d’équivalent dans l’art contemporain.
Jacques Lassaigne, conservateur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1972