Jean Deyrolle (1911-1967)
Jean Deyrolle est né à Nogent-sur-Marne en 1911, où son père, médecin militaire, est en garnison. Sa famille est bretonne, et celle-ci s’installe à Vannes alors que l’enfant n’a que quelques mois. Ce sera Quimper, puis Concarneau, après la mort de son père ; il a 13 ans. Son grand-père est artiste-peintre. En 1929, Jean Deyrolle entre à l’école Art et Publicité de Paris. Il y suivra un enseignement pendant 3 ans ; il s’initie à la gravure et réalise ses premières lithographies et des linogravures. Son diplôme obtenu, il abandonne la publicité et Paris, et regagne Concarneau. Il commence à peindre et parcourt la Bretagne en tout sens, faisant des études de natures mortes et de paysages.
Ayant obtenu une bourse, Jean Deyrolle part pour le Maroc, où grâce à quelques expositions, il réussira à subsister quelques années. Il y retrouve sa cousine, et amie d’enfance, Jeannine Guillou et fait la connaissance du compagnon de celle-ci, Nicolas de Staël. Il voyage avec eux, parcourant le pays, peignant « sur le motif ». Jean Deyrolle revient en France en 1938 (Concarneau) ; il dispose là de l’atelier de son grand-père. La peinture est devenue sa raison de vivre. L’artiste découvre l’oeuvre de Paul Sérusier. Après avoir été démobilisé en 1940, il va souvent à Chateauneuf-du-Faou, chez Madame Sérusier, pour étudier les tableaux et les écrits du théoricien de l’Ecole de Pont-Aven.
En 1942, Jean Deyrolle s’installe dans un atelier parisien, atelier qu’il conservera toute sa vie (Rue Daguerre). Il subit passagèrement les influences de Braque et de Roger de la Fresnaye. Il voit souvent Jeannine et Nicolas de Staël ; chez eux, il fait la connaissance d’André Lanskoy. Deyrolle poursuit avec acharnement ses recherches. La rencontre avec César Domela va l’aider à se libérer peu à peu de la figuration.
C’est en 1944 que l’artiste s’engage dans l’abstraction ; il se lie d’amitié avec Alberto Magnelli, qui aura un grand ascendant spirituel sur lui, rencontre Jeanne Bucher qui lui achète ses premières peintures non-figuratives. Il participe en 1945 au Salon des Surindépendants, participe à l’exposition « Vingt ans de peintures » chez Jeanne Bucher. L’année suivante, Deyrolle fait partie du groupe des peintres abstraits de « la seconde génération » qui se forme autour de Denise René (avec Dewasne, Marie Raymond, Schneider et Hartung). Bientôt, Gilioli, Poliakoff et Vasarely les rejoignent.
Deyrolle aménage un atelier dans le grenier d’une maison presque en ruine à Gordes ; il y passera désormais beaucoup de temps, rejoint par tous ses amis. La première exposition personnelle de Jean Deyrolle est organisée en 1948 à la Galerie Denise René (Paris). Ce sera la première d’une très longue série d’expositions personnelles en France et à l’étranger. Jean Deyrolle enseignera un an à l’Académie Fernand Léger (1953). C’est à cette période que la « manière » de l’artiste, faisant sa synthèse, se fait libre. La première rétrospective de l’artiste est organisée à Bruxelles, au Palais des Beaux-Arts en 1956.
Jean Deyrolle sera de 1959 à 1967 enseignant à l'Académie des Beaux-Arts de Munich. Il travaillera jusqu’à sa mort avec acharnement ; il expose, peint, mène une oeuvre sur papier, reçoit des distinctions, voyage, s’installe définitivement à Gordes en 1963. Malade, son état de santé s’aggrave en 1967. Cette même année, il meurt à Toulon, où il était soigné.
« Je n’insinue pas que l’art de Deyrolle est fait d’habiles dissimulations, au sein desquelles l’effort de compréhension du spectateur est nécessairement si pénible et si prolongé que la moindre lueur y brille, enfin, comme une éclatante lumière. Au contraire, Deyrolle s’exprime avec la plus nette clarté. L’ambigüité n’est pas son fait. Rien ne sort de ses mains qu’il n’ait intensément mûri, épuré, ramené à l’essentiel, doté de justes proportions. Et s’il aime la précision presque dans les détails, et la nuance subtile même dans les plus vastes élans de la création, ce n’est jamais au détriment d’une rigoureuse et belle simplicité de l’ensemble.
Chez Deyrolle, la délicatesse des moyens picturaux, le raffinement des coloris, l’atténuation, par tout un jeu de traits et de modulations parfois, de la rigueur formelle, ne sauraient tromper sur les fins profondes poursuivies par le peintre. L’affirmation de sa force picturale, pour être pleinement perçue, requiert, de notre part, cette attention patiente et sans défaillance, cette tension de tout l’être, en d’autres termes, ces vertus mêmes grâce à quoi Jean Deyrolle confère à son œuvre l’original rayonnement que nous lui reconnaissons aujourd’hui.
La peinture de Jean Deyrolle n’est pas une peinture de coup de tête. Ni une peinture pour amateurs distraits. Mais, enfin, de la grande peinture. Et qui exige, pour être goûtée, d’être regardée comme telle ».
Léon Degand, Paris, 1957
« Aspirant à une clarté intérieure, Deyrolle ne se fait pas illusion à soi-même. Il avoue dans ses tableaux, à côté des certitudes, toutes les incertitudes et les doutes, il se laisse parfois aller à quelques fiertés et éclats de bonne humeur ou d’humour aussi bien qu’à la mélancolie et à l’angoisse, et il parvient ainsi à cette rare et seule valable sincérité profonde, doublée d’une qualité picturale évidente. De là, cette richesse, cette variété infinie de thèmes, grands signaux, et petits poèmes, rondes et fugues, pénétration dans les labyrinthes les plus opaques et écho des notions les plus fugitives … ».
Herta Wescher, Cimaise, 1956
Expositions personnelles (sélection)
- 1948 Galerie Denise René, Paris
- 1949 Galerie Birch, Copenhague
- 1950 Galerie Otto Ralfs, Brunswick
- 1951 Galerie Denise René, Paris
- 1952 Galerie Nourritures Terrestres, Rennes ; Galerie Ex-Libris, Bruxelles
- 1953 Galerie Denise René, Paris
- 1954 Galerie Denise René, Paris ; Galerie Birch, Copenhague ; Galerie Del Fiore, Milan
- 1956 Palais des Beaux-Arts, Bruxelles ; Kunstforeningen, Aarhus, Copenhague
- 1958 Galerie del Grattacielo, Milan
- 1959 Galerie de France, Paris
- 1960 Galerie Lienhard, Zurich
- 1961 S.D.S Hallen, Malmö
- 1962 Galerie d’Eendt, Amsterdam ; Galerie Hybler, Copenhague
- 1963 Galerie del Grattacielo, Milan
- 1965 Galerie Georges Bongers, Paris ; Galerie Hybler, Copenhague
- 1966 Galerie Denise René, Paris
- 1968 Musée de Saint-Paul-de-Vence ; Château de Gordes
- 1969 Maison de la Culture de La Rochelle, Rennes ; Galerie Saluden, Brest, Quimper
- 1970 Galerie Georges Bonger, Paris
- 1971 Galerie Cavalero, Cannes ; Galerie Vismara, Milan
- 1974 Galerie Georges Bongers, Paris
- 1975 Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris ; Chapelle du Grand Couvent, Cavaillon
Expositions collectives (sélection)
Participe aux principaux Salons (Réalités Nouvelles, de Mai, d’Automne, de l’Art Sacré, Comparaisons, …)
- 1945 Galerie Jeanne Bucher
- 1946 Galerie Denise René
- 1948 « Tendances de l’Art Abstrait », Galerie Denise René
- 1949 Musée de Sao Paulo ; Palais Strozzi, Florence ; Rio de Janeiro, Malmö ; Galerie Collette Allendy, Betty Parson Gallery, Gimpel Gallery, …
- 1951 Galerie Arnaud ; Tokyo, Hanovre, Copenhague, Turin
- 1952 Edimbourg, Londres, Stockholm, Zurich, Tokyo ; Salon du Jazz, Paris ; Galerie La Hune, Galerie Denise René
- 1953 Rome, Milan, Hambourg, Menton, Chicago, San Francisco ; Sidney Janis Gallery
- 1954 Musée d’art moderne, Paris ; Guggenheim Museum New York ; Galerie Arnaud
- 1955 Galerie Craven, Galerie Arnaud, Galerie La Roue, Galerie Ariel ; Rio de Janeiro, Brooklyn, Pittsburg, Milan
- 1957 Musée des Beaux-Arts de Rouen, Galerie Creuze, Legendre, Arnaud ; Sao Paulo, Turin, Milan, Tokyo, Luxembourg, Düsseldorf
- 1958 Galerie Ariel, Charpentier, Craven, Hanover Gallery, Londres ; Expo internationale de Bruxelles ; Musée des Arts Décoratifs, Paris
- 1960 Prix Marzotto ; Biennale de Venise
- 1961 Biennale de Tokyo, Biennale de Sao Paulo
- 1962 Guggenheim Museum, New York
- 1963 « L’Ecole de Paris », Belgrade, Zagreb, Lausanne, Munich ; Galerie Claude Bernard, Galerie Denise René ; Grand Palais, Paris
- 1964 Musée de Saint Etienne, Musée des Arts Décoratifs, Paris
- 1966 Musée de Grenoble, Biennale de Menton
Musées
Musée National d’Art Moderne, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, BNF, Brest, Gordes, Grenoble, Menton, Nantes, Rennes, Aaborg, Copenhague, Luxembourg, New York, Oslo, Skopje, Turin, Sao Paulo, …
Bibliographie (sélection)
- « Jean Deyrolle ou la continuité de la peinture » Charles Estienne, 1950
- « Jean Deyrolle », Art d’Aujourd’hui, Léon Degand, 1951
- « Jean Deyrolle », Georges Boudaille in Actualités artistiques, 1952
- « Deyrolle » Herta Wescher, Roger Bordier, Art d’Aujourd’hui, 1953, 1954
- « Deyrolle » Roger van Gindertael, Bruxelles, 1956
- « Jean Deyrolle » Herta Wescher, Cimaise, 1956 ; « L’aventure de l’Art Abstrait », Michel Ragon, 1956 ; « L’art Abstrait », Marcel Brion, 1956
- « L’Art Abstrait », Jean Bouret, 1957 ; « Dictionnaire de la Peinture Abstraite » Michel Seuphor, 1957 ; « Mortensen et Deyrolle », Jacques Dopagne, XXeme siècle, 1957
- « Deyrolle », Erik Andreasen, Malmö, 1961
- « Entretien avec dix sept peintres non figuratifs », Jean Grenier, 1963 ; « Deyrolle », Jacques Dopagne, 1963 ; « Deyrolle », Giorgio Kaisserlian, 1963
- « Jean Deyrolle, un peintre à redécouvrir », Georges Boudaille, Les Lettres Françaises, 1965
- « L’Art Abstrait », Dora Vallier, 1967 ; « Histoire de la peinture moderne » Herbert Read, 1967 ; « La Peinture abstraite », Jean-Clarence Lambert, 1967
- « Jean Deyrolle », Alberto Magnelli, Saint Paul de Vence, 1968 ; Gaston Diehl
- « Jean Deyrolle », Léon Degand, Le Musée de Poche, 1974