Francesco Marino di Teana (1920-2012)
Sculpteur d’origine italienne, Marino di Teana est né à Teana en 1920, village de montagne de la Basilicate en Italie du Sud. Teana est alors un petit village médiéval, perché sur une montagne, où la vie n’a pas changé depuis des siècles. Dès l’âge de 5 ans, Francesco travaille dans les champs avec son grand-père, et il doit aussi garder les moutons dans la montagne, il est berger. À cette époque, il n’y a quasiment pas d’école, les enfants ont un maitre, ils doivent apprendre les métiers. Ainsi, Francesco apprend à forger, repeindre les fresques des églises, faire de la maçonnerie.
À 16 ans, l’Italie s’allie avec l’Allemagne, et Francesco doit partir à l’armée. Mais son grand-père l’envoie en Argentine pour retrouver son père qui a abandonné sa famille quelques années plus tôt. Son frère, est enrôlé dans l’armée et est envoyé quelques années plus tard en Russie où il mourra à Stalingrad.
À Buenos Aires, son père le reçoit froidement, et à condition qu’il travaille pour rapporter un salaire. Il pratique son métier de maçon dans des chantiers de construction. À 22 ans, il est chef de chantier et fait travailler des équipes de dix ouvriers sur des buildings. Avide de savoir, il suit en parallèle des cours du soir en mécanique et polytechnique de l’école nationale Salguero et y obtient un diplôme en architecture.
Il présente le difficile concours d’entrée de l’école des Beaux-Arts Ernesto de la Carcova. Il est reçu. Mais les cours se passent le jour, et à l’annonce de cette réussite, son père le met à la porte. Il est à la rue mais suit tous les cours et travaille le soir pour vivre.
Il sort de l’école avec les meilleures notes du diplôme "Premio Mittre", équivalent au Prix de Rome. Il reçoit le titre de professeur Supérieur, et une chaire à l’université lui est proposée. Mais il ne veut pas d’une carrière tracée et décide de retourner en Europe pour suivre sa propre voie.
En 1952, il passe par l’Espagne, où il retrouve son ami Jorge Oteiza, qu’il faisait travailler à Buenos Aires, au café Gijon de Madrid. Ils retravaillent ensemble sur des projets à Oteiza. En 1953, il s’installe à Paris, la ville des grandes manifestations artistiques. La vie est dure, il dort dans les jardins publics, notamment celui des invalides à côté du musée Rodin, et va se réchauffer rue Bonaparte à l’École des Beaux-Arts.
Très doué, il fait divers travaux artistiques et est engagé comme décorateur par Huguette Séjournet qui deviendra son épouse. Celle-ci le pousse à aller présenter ses premières sculptures dans une petite galerie des Champs-Élysées. Recommandé par son ami Vasarely, il y présente des maquettes dans une boite à chaussures à Denise René, qui est conquise et lui organise plusieurs expositions personnelles ainsi que des tournées internationales de groupe avec Vasarely, Jesús-Rafael Soto, Le Parc, Sonia Delaunay, François Morellet, Carlos Cruz-Díez, Michel Seuphor, Richard Mortensen, …
Sa notoriété explose en 1962 lorsqu’il remporte le premier prix du concours Saint Gobain, décerné par un jury composé de l’écrivain Michel Butor, l’architecte Robert Camelot, le critique d’art André Chastel, le sculpteur Alberto Giacometti, l’architecte Grégoire, le peintre Poliakoff, le professeur d’esthétique Étienne Souriau, le peintre et critique d’art Michel Seuphor, et le sculpteur Zadkine.
Marino di Teana est alors en relation avec tous les artistes de son époque : Agam, Jean Arp, Tinguely, Dubuffet, César, Luis Tomasello,… Mais, il garde sa propre voie artistique : la sculpture et la peinture architecturale. Il développe sa théorie "tri-unitaire" où l’espace compte autant que la masse. " 1 + 1 = 3 ".
Comme le dit Harry Belley du journal Le Monde à propos de Monumenta 2011 dans son analyse Reflets dans les sphères rouges d’Anish Kapoor : "c’est une des découvertes de la sculpture du xxe siècle depuis que Marino Di Teana a formulé sa théorie du "vide actif", Léviathan est l’occasion de se rappeler qu’une œuvre est structurée autant par ses vides que par ses pleins."
Di Teana a une formation d’ingénieur et d’architecte, qui se retrouve dans la construction de ses sculptures : il va concevoir le concept de la sculpture architecturale. Il imagine et voit ses sculptures comme des structures qui se transforme en architecture. La sculpture est monumentale, c’est un futur édifice, c’est même… une ville du futur.
Ainsi, les sculptures monumentales sont créées d’abord en maquette, pensées par rapport à un environnement donné, et placées dans un espace qui met l’œuvre et l’espace en valeur.
Il est un des rares sculpteurs à réaliser plus de 50 sculptures monumentales dont plusieurs mesurent dans les 15 mètres de hauteur (Montpellier, Orléans-Chevilly, Canjuers Var, ). Toutes les sculptures monumentales sont entièrement dessinées sur des plans et calculées par lui-même.
La sculpture "Liberté" de Fontenay-sous-Bois (Val de Marne), sélectionnée sur concours en 1990, a 21 mètres de hauteur pour 100 tonnes d’acier Corten et est la plus grande sculpture en acier d’Europe. Elle est autoporteuse, est construite de manière à pouvoir résister à des vents de 250 km/h. La taille d’une telle structure n’a jamais été encore égalée par un autre sculpteur, sinon par Bernar Venet si sa structure au château de Versailles est conservée.
Marino di Teana a réalisé d’immenses sculptures. Visionnaire, ces sculptures monumentales n’étaient que maquettes destinées à devenir des villes du futur. De nombreux plans les illustrent. Conçues à une époque où peu envisageait l’architecture comme lui. Il nous laisse une œuvre artistique très complète, dispersée dans le monde. Fidèle à l’image de l’ "Uomo Universale" de la Renaissance, c’était un érudit qui avait une inextinguible soif de connaissances. Passionné d’histoire et d’histoire ancienne, la théologie, l’anatomie, les mathématiques, l’histoire de l’art et autres domaines n’avaient pas de secrets pour lui.
« La sculpture ce n’est pas seulement un métier, c’est une sorte de sacerdoce. Il faut aller chaque jour jusqu’au bout de son temps et de sa force pour trouver la paix. »
« La forme doit être tendue vers l’équilibre mais elle dépend de la matière ; je travaille l’acier, il est important de bien connaître l’acier, comme d’autres connaissent le marbre. L’acier a des fibres, des forces, des tensions, du poids comme le marbre, c’est un matériau de sculpteur, même si les sculpteurs ne l’utilisent que depuis peu, c’est l’un des matériaux de notre génération, un moyen d’expression de la modernité. C’est pourquoi j’ai choisi l’acier ; cependant j’étais tailleur de pierre et maçon lorsque j’étais jeune, mais j’avais l’intuition que je ne pourrais rien faire avec les marbres ou les granits, que des objets fermés ; l’acier m’a permis tout de suite d’exprimer cette notion d’espace Tri-unitaire »
Marino di Teana
Expositions personnelles (sélection)
- 1960 Galerie Denise René, Paris
- 1967 Musée des Beaux-Arts, La Chaux de Fond ; Galerie Denise René, Paris
- 1968 Espace Pierre Cardin, exposition de bijoux pour la Collection Cardin
- 1969 Maison de la Culture d’Orléans
- 1972 Centre Culturel du Val d’Yerres
- 1974 Château de Braux Sainte Cohière
- 1975 Galerie Attali, Paris ; Maison de la Culture de Saint-Etienne ; Musée des Beaux-Arts St Denis de Reims, Champagne, France.
1976 Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Rétrospective
- 1976 Maison des Arts et des Loisirs, Monbéliard
- 1978 Galerie Art Actuel, Nancy
- 1980 Maison de la Culture, Dreux
- 1981 Musée des Beaux Arts de la Ville de Pau
- 1982 Biennale de Venise (représente l’Argentine) ; Galerie Giebel, Sarrelouis
- 1987 Moderne Galerie - National Saarland Museum, Saarbrücken ; Paris Bagatelle
- 1988 Galerie Carlhian, Paris ; Galerie Artcurial, Retrospective ; Biennale della scultura Italiana Contemporanea, Matera, Italie
- 1989 Galerie Artcurial, Paris ; Galerie Carlhian ; Universita de Basilicata, Potenza
- 1990 Musée d’Art et d’Histoire, Galerie des Arts, Neuchâtel
- 1991 Galerie Artcurial, « Sculptures de 1953 à 1964 » ; Galerie Carlhian
- 1992 FIAC ; « l’Imaginaire de Marino di Teana », Brive ; Galerie Carlhian
- 1993 Galerie Jean-Jacques Dutko. Paris.
- 1994 Université de Bari
- 1995 Ville de Pornichet avec James Pichette
- 2004 Collégiale St Pierre Le Puellier Orléans
- 2005 Grand Théatre d’ Angers ; Ville de Volklingen, Saarland
- 2006-2007 Réalisation des vitraux, de la rosace et de la porte de l’Eglise de St Flour
- 2007 Galerie Michèle Broutta ; Biennale de Yerres ; ArtParis ; Salon Art-Elysées ; FIAC
- 2008 FRAC Centre ; Satoru Sato Museum, Tomé, Japon ; Galerie Jonas, Neuchâtel
- 2009 Krings-Ernst Gallery, Cologne ; Réalisation de 4 sculptures monumentales pour la ville de Teana ; Château de Fontainebleau
- 2010 Musée des Beaux-arts de Cambrai, Rétrospective
Principales expositions collectives
- 1956 Musée Rodin
- 1957 Exposition avec Vasarely, Agam, Tomasello, Schoffer, Galerie Denise René
- 1959 Stadtisches Museum Morsbroich
- 1960 Musée de Saint-Etienne. "Cent Sculpteurs de Daumier à nos Jours" ; Musée d’Ixelles ; Musée de Liége ; Musée de Bruges
- 1961 Biennale internationale au Middleheim ; « structures » Galerie Denise René
- 1962 Groupe MESURE ; Art Latino Americain, musée d’Art Moderne de la ville de Paris ; Réalités Nouvelles, Paris ; « L’Objet », Musée du Louvre
- 1963 Biennale de Paris ; Réalités Nouvelles ; Comparaisons ; Groupe MESURE
- 1965 "Sculptures-Architecture" : conception et idées sur les oeuvres de M.di Teana avec les architectes Le Corbusier, Constant, …
- 1966 Galerie Claude Bernard, exposition "La Main" Paris ; Maison de la Culture de Caen ; Musée de la ville de Leverkusen ; Galerie Hybler, Copenhague ;Musée de Esbjerg, Danemark ; Musée de Grenoble
- 1968 Redfern Gallery, Londres ; Ville de La Grande Motte ; Librairie La Hune, Paris
- 1969 Musée du Havre, Abbaye de Royaumont, Festival d’Avignon
- 1970 Salon Europlastique, Paris ; Galerie Argos, Nantes ; Galerie Protée, Toulouse
- 1971 Konsthallen, Gotteborg ; musée d’Angers ; Centre Culturel du Languedoc
- 1972 Maison de la Culture, Orléans ; Château du Castenet
- 1973 Maisons de la Culture de Saint-Etienne, Lyon et Montpellier ; Musée Galliera
- 1976 Musées des Beaux-Arts de Pau et Calais ; Musée du Luxembourg
- 1978 Landesmuseum Munster ; Symposium à Lyon ; Château de Ratilly ; FIAC
- 1979 Centre Cultuel Suédois, Paris ; UNESCO ; Vitry-sur-Seine
- 1982 Biennale de Venise ; Pavillon Baltard ; Château du Castenet
- 1983 Galerie Arcadia, Paris ;
Galerie Giebel, Saarlouis ; Galerie Art Public, Paris ;
Musée Massey, Hommage à Alicia Penalba, Tarbes
- 1985 « Sculptures du XX ème Siècle », Musée de Pontoise ; FRAC Ile-de-France
- 1987 Orangerie de Bagatelle ; Galerie du Haut-Pavé, Paris ; Musée d’Ixelles
- 1990 Musée municipal de St Cloud ; Musée du Château, Dourdan ; Musée de Meudon.
- 1992 FIAC ; Galerie Lahumiere ; Treffpunk Kunstmuseum Saarlouis
- 1993
Musée de Neuchatel
- 2005 Musée de Cambrai « Art Construit-Art Concret »
- 2006 Musée des Beaux-Arts d’Angers, Musée de Dunkerque LAAC.
- 2007 Biennale de Sculptures, Yerres
- 2008 « Aspects de l’art en France 1950-1970 » Musée de l’Oise, Beauvais
- 2009 Triennale de Sculpture de Poznan, Pologne
- 2011 Château des Ormes
- 2012 « Hommage à Batbedat », Galerie Michèle Broutta, Paris
Bibliographie (sélection)
- Revue « Aujourd’hui, Art et Architecture », n° 14, p 29, Septembre 1957
- Revue « Cimaise », par Michel Seuphor, Juillet 1959
- « La Sculpture de ce siècle », M. Seuphor, Editions du Griffon, Neuchâtel, 1959
- Revue « l’œil », n°49, p 27, Choix d’un critique par Michel seuphor, 1959
- Revue « Art International », p 63, décembre 1960
- Revue « Jardin des Arts », n° 73, p 55, novembre 1960
- Revue « Aujourd’hui », n° 29, décembre 1960
- « Dictionnaire de ma sculpture moderne », Ed. Hazan, 1960
- Catalogue de l’exposition personnelle Denise René, par Michel Seuphor. 1960
- « Marino Di Teana », Revue XXème Siècle, n° 26 par pierre Gueguen, 1961
- Revue « Cimaise », n° 55, p 68, septembre, par Michel Ragon, 1961
- Catalogue de l’exposition Konstruktivisten, Stadtisches Museum Leverkusen, 1962
- Catalogue de la maison de la culture de Caen, 1963
- « Le sculpteur constructeur », par Pierre Joly, Jardin des arts, n°3, février 1964
- « L’art Argentin actuel », Catalogue du Musée d’art moderne de Paris, 1964
- « Marino Di Teana », Michel Seuphor, Edition du Griffon, Neufchâtel, Suisse, 1967
- « 25 ans d’art vivant », Michel Ragon, 1970
- Catalogue de la Maison de la Culture de St. Etienne, texte de Maurice Allemand, 1974
- « L’Art Abstrait par Michel Ragon, Michel Seuphor. Editions Aimé Maeght, 1974
- Catalogues des expositions personnelles de :
la Maison de la Culture de Reims, Du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, la Maison de Arts et des Loisirs de Monbéliard.
Préface de Maurice Allemand et Monique Faux, 1975
- « L’Homme et l’Univers Mobile, Logique Tri-unitaire ».
Théorie philosophique de Di Teana. Edité par l’artiste 1978
- Catalogue de l’exposition personnelle du musée des beaux arts de Pau, 1981
- « Marino Di Teana » par Giovanni Percoco, Naples, 1983
- « Marino Di Teana » par T. A. Negri, Ed. de Arte Gaglianone, Buenos Aires 1986
- Catalogue de l’exposition personnelle au Saarland Museum, 1987
-
« Marino Di Teana, Lo Spazio Plasmatico », par Giovanni Percoco, 1989
- « L’espace vif de Marino di Teana », par Dominique Lebuhan, Ed. Artcurial, 1990
- « Les sculpteurs de Métal », D. Dalemont, Ed. Somogy, 2005
Musées
Cholet, Pau, Monbéliard, Doubs, Saint-Etienne, Beauvais, Lyon, Musée d’ Art Moderne de la Ville de Paris, Musée national d’Art Moderne (Centre Pompidou), Dunkerque, Cambrai, Mâcon, Padoue, Bari, Matera, Potenza, Bruxelles, Neuchâtel, La Chaux de Fond, Münster, Leverkusen, Saarbruck, Saarlouis, Aarhus, Los-Angeles, Brasilia, Tomé, …
Prix – Distinctions
- Premier prix du concours de Saint Gobain en 1962 décerné par un jury composé de Zadkine, Giacometti et Poliakoff pour la partie artistique.
- Diplôme d’honneur de la XIV triennale de Milan Italie.
- Médaille d’argent du Congrès International d’Architecture, à Bochum, Allemagne.
- Deux Médailles d’or, décernée par la Province de la Basilicate, Italie.
- Membre de l’Académie Nationale des Beaux-Arts et Architecture d’Argentine.
- La Médaille d’honneur de l’université de Séoul en Corée.
- Grande Médaille d’Argent, décernée par l’Académie Française d’Architecture
- Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres en 1974