Robert Jacobsen (1912-1993)
Sculpteur, peintre et graveur danois né à Copenhague le 4 juin 1912, Robert Julius Tommy Jacobsen est issu d’une famille très modeste. Après avoir vécu de petits métiers (gérant de bar, joueur de badminton, de banjo, marin …) il commence en autodidacte la sculpture sur pierre et sur bois en 1932-1933.
N’ayant reçu que rarement un enseignement par la pratique manuelle et artisanale, sauf celui, de 1933 à 1944, d’un tailleur de pierres tombales, son influence artistique provient de l’admiration qu’il voue à d’autres artistes, tout d’abord Rodin et Henri Laurens, ensuite, à l’occasion d’une exposition d’expressionnistes allemands, en 1932, à Copenhague, pour les œuvres de Nolde, Klee, et surtout du sculpteur Barlach, et, dans la dernière période de sa formation – celle qui le conduit vers l’abstraction - ; pour les oeuvres de Jean Arp.
En 1930, Jacobsen crée ses premières sculptures sur bois sans dessins préparatoires et adhère au mouvement surréaliste Host. Quelques années après, il s’intéresse à l’eau comme matériau de travail.
Il réalise, au début des années 40, un bestiaire fantastique, qu’il dira plus tard avoir été influencé par la rencontre décisive de son compatriote Asger Jorn. En 1941, il expose au Salon d’Automne de Copenhague des figures inspirées de la mythologie scandinave, exécutées dans un style expressionniste, en granit ou en calcaire. Dans cette série il s’oriente peu à peu vers une sobriété de la forme non sans renier cette source typique et autochtone de son art.
En 1942, il crée déjà des formes abstraites pleines, encore assez organiques pour évoquer la vie. En 1944, on y trouve encore des allusions anthropomorphiques, mais certains volumes tendent à leur plénitude géométrique, tandis que des formes en creux, en vide, se font place à l’intérieur de la masse. Ensuite, le fer remplace la pierre, plus apte à dessiner dans l’espace des signes raides ou courbes, qui s’entrecroisent pour définir le vide avec la précision des silences en musique.
De 1940 à 1945, il rejoint les rangs des jeunes artistes groupés, pendant la guerre, autour de la revue Helhesten, qu’il avait probablement connus déjà du temps de la revue précédente Linien. On n’oublie pas que c’est ce groupe, animé par Jorn, qui allait fusionner, au lendemain de la guerre, avec les « groupes expérimentaux » belge et hollandais, pour créer le mouvement Cobra. Il se lie d’amitié à cette époque avec Mortensen et Jorn.
Il n’y a pas, à proprement parler, d’esthétique Cobra, puisque Cobra se voulait expérimental, contre les apriorismes, anti-esthétique. L’œuvre de Jacobsen n’est pas expérimentale et obéit visiblement à des impératifs formels. Il apparaît donc que l’on ne peut pas l’apparenter à Cobra.
En 1947, grâce à une bourse de l’Etat Français, Robert Jacobsen vient à Paris où il partage un logement avec Mortensen puis Jorn. Dans les années 70, il retourne au Danemark. En 1962, il devient professeur à L’Académie des Beaux-arts de Munich et à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague de 1976 à 1985.
C’est en installant à Paris en 1947 qu’il aborde le métal qui deviendra dès lors son matériau de prédilection.
Sa sculpture devient abstraite, s’agrandit et s’élance dans l’espace. Jacobsen commence alors à appréhender l’agencement de plans simples et aux formes géométriques assemblées pour créer un espace à haute tendance poétique et graphique.
Son travail s’inscrit dans la tradition du travail du métal initié dans les années 20 par le sculpteur espagnol Julio Gonzalez. Il est un des précurseurs de l’utilisation des déchets de rebut : La sculpture La Guerre de 1952 est composée d’un vieux masque à gaz et de tuyaux de plomberie.
A la différence de Pablo Gargallo et de Julio Gonzalez ou David Smith, autres artistes utilisant le fer en sculpture, Jacobsen travaille ce matériau selon une technique très personnelle et difficile, lui permettant de préserver l’aspect brut du fer. Martelant et forgeant le métal à froid, il révèle la multiplicité des rapports avec le vide qui animent ses formes.
Jouant très peu de la profondeur, Jacobsen installe, quasiment dans le plan, un jeu sévère de barres et de plaques. Sa fantaisie s’allie à une méditation des équilibres et des ruptures
Jacobsen entre en 1947 avec Mortensen dans le groupe des artistes néo-plasticistes de la Galerie Denise René, grande militante de l’art abstrait géométrique. Il fréquente alors Vasarely, Deyrolle, Pillet, Bloc, Dewasne, Lardera, Max Bill, Soto, Tinguely, Pol Bury, …
Après la période des squelettes de cubes disloqués et recomposés, que l’on désigne parfois par les termes de « Période des Caisses », se permettant peut-être plus de fantaisie et de liberté dans l’élaboration de ses constructions forgées, il y ajoute l’ébauche de quelques mouvements ou plutôt glissements géométriques de certaines formes dans les autres (« Ideomotorisk Problem, 1952 »).
En 1962, dans la série des Cosmonautes, il ajoute par la polychromie des effets de forme. Pour conclure sur quelques images de ses sculptures, nous en emprunterons l’évocation à Pierre Volboudt : « … constructions toujours plus complexes de tensions et de dynamismes, mécanisme subtils de rythmes entrecroisés qui sont ses Reliefs, austères arborescences géométriques enfin, véritables architectures d’espaces saisis dans leur mobilité et leur inflexible expansion … ».
Ses créations peuvent se diviser en deux catégories :
- d’un côté, les figures et silhouettes réalisées lors de son « temps libres », poétiques et légères, parfois inspirées de l’art primitif qu’il collectionnait et,
- de l’autre, la facette la plus connue de son travail consistant en des constructions géométriques que l’artiste peint en noir afin de leur donner l’apparence de dessins dans l’espace.
Après être revenu vive au Danemark en 1969 pour honorer un grand nombre de Commandes publiques, Jacobsen, à partir de 1986, travailla en collaboration avec le sculpteur français Jean Clareboudt à la création du parc de sculptures Torskind Gravel Pit.
Il a reçu diverses prestigieuses distinctions à savoir : Le Grand Prix de la Sculpture de la Biennale de Venise, en 1966, avec Etienne-Martin ; MédailleThorvaldsen en 1967 ; Chevalier de la Légion d’Honneur en 1980 ; Membre de l’Académie des Beaux-Arts de Florence et de Munich ; Commandeur du Danebroge en 1983.
Principales expositions personnelles
- 1948 - Galerie Denise René, Paris
- 1951 - Galerie Birch, Copenhague ; Galerie Denise René, Paris
- 1953 - Galerie Denise René, Paris
- 1954 - APIAW, Liège ; Palais des Beaux-Arts de Bruxelles
- 1955 - Galerie Dujardin, Roubaix ; Stedelijk Museum, Amsterdam
- 1955 - Rétrospective au Stedelijk Museum, Amsterdam
- 1957 - Galerie de France, Paris ; Kunsthalle, Bâle
- 1958 - Museum Louisiana, Humlebaeck
- 1959 - Musée des Beaux-Arts de la Chaux-de-Fonds
- 1960 - Stedelijk Museum, Amsterdam ; Musée d’Art Moderne, Stockholm
- 1961 - Kunstnernes Kunsthandel, Copenhague
- 1962 - Kootz Gallery, New-York
- 1963 - Galerie de France, Paris
- 1967 - Galerie Birch, Copenhague
- 1969 - Galleri Haaken, Oslo
- 1970 - Galerie Birch, Copenhague
- 1973 - Nordjyllands Kunstmuseum, Aalborg
- 1975 - Kunstmusem, Helsinki ; Kunsthalle, Kiel
- 1978 - Kunstmuseum, Aarhus
- 1980 - Galerie Birch, Copenhague
- 1984 - Galerie Denise René, Paris ; Musée de Toulon, Rennes, Rodin (Paris)
- 1988 - Galerie Denise René, Paris
- 1987 - Kunsthalle de Mannheim ; Kunstmuseum Göteborg
- 1990 - Galerie Denise René, Paris
- 1991 Rétrospective itinérante (Cateau-Cambrésis, Rodez, Saint-Priest, Evreux, …)
- 1993 - Fragments, Galerie Denise René, Paris
- 2001 - Statens Museum for Kunst, Copenhague ; Galeria Durban, Caracas
Principales expositions collectives
- 1951 - « Klar Form », Copenhague ; Salon des Réalités Nouvelles, Paris
- 1955 - « Le Mouvement », Galerie Denise René, Paris, New-York, Dusseldorf
- 1956 - « Baertling, Mortensen, Jacobsen », Konsthall, Stockholm
- 1958 - Musée de l’Art Wallon, Liège ; Kunsthalle de Bâle (avec Poliakoff)
- 1966 - Biennale de Venise (Il y obtint le Grand Prix de Sculpture) ; Exposition internationale de sculpture, Guggenheim Museum, New-York
- 1981 - « Paris-Copenhague », Galerie Birch, Copenhague ; « Paris-Paris », Centre Pompidou
- 1984 - Galerie Convergence, Nantes
- 1987 - Galerie Birch, Copenhague (avec Pedersen et Birkemose)
Bibliographie (sélection)
- 1963 - « Entretien avec Jacobsen », P. Descargues, Galerie de France
- 1965 - « Robert Jacobsen », A. Boesen, E. Johanson, Copenhague
- 1967 - « Dictionnaire universel de l’art et des artistes », P. Volboudt, Hazan
- 1969 - « Vingt-cinq ans d’art vivant », M. Ragon, Casterman
- 1970 - « Nouveau dictionnaire de la sculpture moderne », D. Chevalier, Hazan
- 1975 - « Entretien avec Jacobsen », C. Jensen, Kunsthalle de Kiel
- 1984 - « Robert Jacobsen, parcours » Catalogue des expositions itinérantes à Toulon, Rennes, Paris
- 1991 - « Dictionnaire de l’Art du XXème », Ed. Larousse
- 1999 - « Dictionnaire des peintres et sculpteurs Bénézit », J. Busse, Ed Gründ
Musées
Musée d’Art Wallon, Liège ; Museo de Arte Moderna, São Paulo ; Von der Heydt Museum, Wuppertal ; Wilhelm Hack Museum, Ludwigshafen ; Lembruck Museum, Duisburg ; Sculptors Museum, Glaskasten ; Neue Pinakothek, Munich ; Didrichsenin taidemuseo, Helsinki ; Musée National d’Art Moderne, Paris ; Musée de Grenoble ; Musée des Beaux-Arts de Rennes ; Fond National d’Art Contemporain ; Musée Rodin, Paris ; Stedelijk Museum, Amsterdam ; Kröller-Müller Museum, Otterlo ; Nationalgalerie, Oslo ; Moderna Museet, Stockholm ; Musée des Beaux-Arts, La Chaux-de-Fonds ; Magyar Nemzeti Muzeum, Budapest ; Carnegie Institute, Pittsburgh ; Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington ; Fondation Herzog, New York ; Carnegie Institute, Philadelphie